La chasse

Les traditions les plus anciennes, même celles dont il ne reste plus de traces (par exemple les pratiques du néolithique), donnaient à la chasse un caractère sacré car il était le seul moyen de subsistance de la tribu (avec la cueillette, mais celle-ci apportait moins de nourriture, moins dangereusement, et moins aléatoirement). Pour prélever dans un troupeau un animal qui nourrirait le clan pendant quelques jours, il fallait la bienveillance des dieux, pour que la chasse soit bonne, et qu'aucun chasseur ne meurre, piétiné par un mammouth ou encorné par un buffle...

L'homme est un maillon de la chaine alimentaire. Il doit tuer un animal pour survivre? Tout comme les loups, les ours, les autres prédateurs... Et il finira lui aussi en nourriture, par un animal sauvage, des charognards ou des vers. Sacraliser la chasse est un moyen de se rendre compte de sa place dans l'Univers, de remercier les entités de ce qui a été prélevé, de les implorer pour qu'il aident à nouveau la tribu.

Le Dieu et la Déèsse protègent autant les animaux que les hommes. Ils protègent autant les lapins que les renards qui s'en nourrissent. Et à une époque où la mortalité par maladie, accident, était élevée, et la durée de vie courte, c'est donc également eux qui rééquilibraient la balance en prélevant dans la tribu un nouveau-né, une femme en couche, un chasseur ou un vieillard. Ils donnent d'une main et prennent de l'autre, que ce soit chez les cervidés, les mammouths, les lapins ou chez les hommes.

Maintenant qu'on chasse sa nourriture dans un supermarché, et que la médecine nous encadre de la naissance à la mort, cette place dans la chaîne nous semble bien lointaine. Pourtant, lorsqu'on voit que la nourriture peut nous rendre malade (pesticides, salmonelles, intoxication alimentaire), celà doit nous rappeller à quel point on est encore tributaires de cette chaîne alimentaire qu'on croit maitriser de bout en bout. Une sècheresse en mai aux semailles, des pluies en Juillet lors des moissons, et on se retrouve avec des agriculteurs qui pleurent dans notre télévision, pendant qu'on mange des tomates importées du Maroc, des fraises d'Espagne sans se sentir concernés outre mesure.
Et si jamais une maladie incurable nous touche, on crie au désespoir, à la fatalité, à l'injustice, alors que ce n'est qu'un état naturel des choses, qu'on doit tous mourir un jour, et que si ça ne nous est pas encore arrivé, c'est grâce aux progrès de la médecine qui nous a sauvé plusieurs fois sans même qu'on s'en rende compte. On ne vit plus les épidémiées de variole, de tuberculose, comme au siècle précédent; Quand aux vaccins, même décriés, ils nous évitent des maladies mortelles dont nous ne connaissont même plus les symptômes et qui emportaient la moitié des enfants d'une famille avant l'âge de 3 ans. La grippe est considérée comme un "gros rhume avec de la fièvre" et on est tout étonné de découvrir qu'elle tue encore des centaines de personnes chaque année.

Cette vision double de "protecteur" et de "chasseur" du Dieu et de la Déesse est donc à voir dans un ensemble cohérent, c'est-à-dire dans une chaine alimentaire où la mort a sa place autant que la vie, et où l'homme s'inscrit pleinement, sans être au-dessus des autres créatures. De plus, cet aspect de chasseur est très ancien, il a été conservé dans des mythologies anciennes, pendant que de nouveaux Dieux et Déesses protégeaient cette fois les troupeaux et les moissons, lorsque agriculture et élevage ont permis de nourrir plus de monde que la cueillette et la chasse.